
Another World
Une nuit d'orage, 
La scène d'intro est très impressionnante pour un jeu de 1992 Lester Chaykin, un jeune chercheur en physique des particules, se rend à son laboratoire sous-terrain. Alors qu'il lance une expérience sur son accélérateur de particules, la foudre s'abat sur le labo et Lester est projeté dans un autre monde. Réapparaissant sur une terre étrangère, à la faune hostile dont il arrive à s'extirper, il finit par tomber dans les geôles d'une espèce humanoïde intelligente. Dans cette sorte de camp de travail, il fait la rencontre d'un compagnon, avec l'aide duquel il s'échappera... Dés le début, le jeu en met plein la vue. Et avec Another World, on associe forcément le nom d'Eric Chahi. Monsieur Chahi (à ce stade c'est un monsieur) a développé son jeu seul et ce n'est que par la suite, que Delphine Software apporta quelques retouches. Tout ça pour dire d'Eric Chahi est un grand parmi les grands puisque le gameplay, les énigmes, le scénario et cet univers si particulier, est l'oeuvre d'un seul homme. Initialement développé pour l'Amiga et l'Atari ST (2 micros aux hardwares identiques), Another World est sorti en 1991. Quelques temps plus tard, il voit le jour sur PC (sous DOS) puis sur Mac mais comme Flashback, il n'aura été vraiment connu qu'à sa sortie sur Mega Drive et Super Nintendo, des supports plus populaires que les micros d'antan. A la conversion on retrouve Interplay, qui a eu le bon goût d'ajouter des musiques au jeu. Maintenant qu'on a bien papoté du passé, Another World (nommé Out of this World aux Etats-Unis et Outer World au Japon) c'est quoi ? Pour faire simple, Another World est un jeu d'aventure axé plate-formes et action, très inspiré par Prince of Persia (le jeu culte de Jordan Mechner) et par la culture science-fiction. Il n'y a pas de scrolling, l'affichage des écrans est séquentiel, il n'y a pas non plus de barre de vie, ni même de compteur de vie. Démontrant la fragilité de la vie, de l'être humain, au moindre faux-pas c'est la mort. Immersif à un degré inexploré jusqu'alors, Another World est un jeu extrêmement difficile (surtout sur cette version console à la difficulté rehaussée afin de compenser le prix) car il faut apprendre chaque passage par coeur.
Chaque saut 
Quelques scènes atayent la faiblesse du scènario mais la fin est extrêmement décevante étant donné les efforts pour y arriver doit être calibré, chaque action réfléchie sinon on perd avec aucun autre choix que de recommencer au dernier checkpoint, ce qui peut être très pénalisant. Cet apprentissage par l'échec est usant pour les nerfs, fatiguant. Mais il fallait bien ça car réellement, l'aventure ne dure que 45 à 60 minutes. Seulement pour arriver à visionner l'épilogue, vous mettrez bien plus de temps que ça (plusieurs heures), si la lassitude de buter sur une énigme ne vous a pas anéanti avant. Ajoutons qu'en plus de tout ce qui peut vous arriver (chutes, pièges en tout genre, éboulis, noyade) il faudra aussi faire attention à une faune peu accueillante (sangsues venimeuses, monstres entre le tigre et l'ours, tentacules). Et Another World n'est pas essentiellement régi par la plate-formes, il y a aussi des phases d'action. Au début du jeu Lester ramasse un flingue qu'il gardera avec lui tout au long de sa courte aventure. Cette arme qu'on doit parfois recharger, peut créer des champs de force, une sorte de bouclier de protection. Evidemment il possède un tir classique, mais aussi un tir chargé qui peut détruire certaines portes, certains murs et les champs de forces adverses. Mais encore une fois le jeu est très hardcore avec des combats très difficiles et bien souvent techniques. Mon regret dans tout ça, c'est qu'on ne dispose que d'une poignée de checkpoints (seulement 15), accessibles via des passwords. Et ils sont trop éloignés pour espérer profiter d'une quelconque clémence du jeu. Ainsi après s'être vautrer dans un trou, s'être fait tuer par un garde ou s'être fait bouffer par une bestiole peu aimable, on repart au dernier checkpoint. Avec ça, il faudra en plus déjouer des énigmes peu évidentes. Certes elles tiennent une certaine cohérence dans le fil de l'aventure mais bien souvent on comprend mal où Eric Chahi a voulu en venir. Ainsi pour arriver au bout de l'aventure (après avoir crevé 347 fois au moins), j'ai utilisé une soluce, car certains puzzles sont vraiment tordus, trop complexes. Car on a jamais le choix de son parcours ou de sa manière de faire. Ici il n'y a qu'une seule et unique façon d'arriver à passer chaque parcelle du jeu.
Question jouabilité, 
Même si ça parait un peu vide, graphismes et animations sont bluffants...on peut dire qu'elle est sacrément rigide. Le jeu n'est pas quadrillé comme Prince of Persia ou Flashback, mais impose une grande rigueur. La maniabilité est rugueuse, sèche, le jeu étant à l'origine développé pour un micro et donc jouable au clavier. Le pad Mega Drive s'en accommode tout même et seulement 2 boutons sont utilisés. Techniquement, Another World aura mis une grosse claque à tout le monde lors de sa sortie. Utilisant un ingénieux système de rotoscopie (on se filme avec une caméra puis on digitalise ses mouvements... Eric Chahi a réalisé lui-même ses digitalisations) et de polygones en aplat (polygones 2D, on parle ainsi de graphismes vectoriels), le jeu n'affiche que 16 couleurs simultanément. Le résultat est donc très pauvre en détails mais ça lui donne aussi un aspect peu commun, un cachet visuel original, étonnant et reconnaissable immédiatement. Et c'est loin d'être laid, il suffit juste d'avoir un esprit plus ouvert, de comprendre l'inspiration, la direction artistique, la singularité encore marquante que le développeur a voulu donner à son jeu. Avec ça l'animation est d'une fluidité étonnante. Elle a même été une référence du genre, jusqu'à ce que Flashback ne vienne chambouler tout ça. Et on le voit bien, dès l'intro l'inspiration est déjà très forte. Avec des cinématiques pour chaque geste particulier (notamment les morts) et une intro aux prises de vue très cinématographiques, notre génie français (et oui, ça fait plaisir ^_^) a réussi le pari fou de créer seul, un jeu aux ambitions très élevées. Et on voit bien que le cinéma de science-fiction aura marqué ce jeune programmeur, notamment parce qu'il n'y a aucun texte ou voix (juste quelques mots dans un jargon extra-terrestre) et que les protagonistes se font très bien comprendre, juste avec une gestuelle appropriée. Enfin, le son n'aura pas été la priorité du développeur. Les bruitages sont simplistes et les quelques rares musiques mettent essentiellement l'ambiance, entre inquiétude, recherche et même stress par moment.
Personnellement, Note
 je suis quelqu'un qui respecte énormément ce jeu et qui respecte son créateur parce qu'au départ, il n'y a qu'un homme, un passionné. Pas d'équipe de développement, pas de bêta-test, pas de moyens financiers énormes... juste un gars qui a déjà touché du jeu vidéo et qui veut aller plus loin que les autres. Le pari est réussi et si Another World n'a pas eu un succès immédiat, il aura su s'imposer dans le temps comme une référence, un jeu culte que chaque gamer se doit de toucher au moins une fois dans sa vie. Et notre version console est parfaitement adaptée des versions Amiga/ST, puisque les hardwares sont assez similaires. La console de SEGA étant un peu mois puissante, le jeu est donc un peu plus lent (il est aussi cadré de noir pour réduire l'affichage) mais ça n'empêchera en rien de profiter d'un jeu monstre. Bien sûr il n'est pas parfait (jouabilité rigide, très court, trop difficile, fin vite expédiée et qui laisse la voie à une suite) mais comment passer à côté d'une oeuvre pareille sans culpabiliser. Que ce soit sur Mega Drive ou tout autre support, avec ses graphismes vectoriels, son ambiance et son univers unique, le hit d'Eric Chahi reste indémodable.
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A savoir :
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Éric Chahi est un créateur de jeu vidéo polyvalent. Entre 1983 et 1989, il travaille sur une dizaine de projets en tant que graphiste, animateur et aussi programmeur (pour certains, il réalisa des jeux dans leur globalité et en freelance). C'est en jouant au portage de Dragon's Lair sur Amiga que lui vient l'idée de réaliser un jeu utilisant des images vectorielles pour les séquences animées, dans le but de réduire leur encombrement mémoire. En effet, initialement sorti sur Arcade sur support Laserdisc, son adaptation sur Amiga a nécessité un stockage sur 6 disquettes avec un gros travail sur la compression. Encore sous l'influence visuelle de Dragon's Lair, Éric Chahi pensa créer un jeu avec de grands personnages très expressifs. À partir de cette idée technique, il imagine un jeu très interactif où le personnage principal aurait pour but premier de survivre dans un univers de science-fiction inspiré par la Guerre des Etoiles et par les bandes dessinées de Richard Corben. Pour les mécaniques de jeu, il pense à de la 2D entre Karateka et Impossible Mission. Il commence par réaliser l'algorithme de dessin de polygone, puis un éditeur de dessin adapté (les outils d'imagerie vectorielle étant inexistants à l'époque), puis passe directement à la réalisation de la cinématique d'introduction du jeu.

En 1991, après un an et demi de travail, il contacta Philippe Ulrich chez Virgin Loisirs qui ne répondit pas favorablement à son projet. Vers l'été, ayant fini les 3/4 du travail, c'est par le biais d'Ulrich, qu'il décrocha un contrat d'édition avec Delphine Software. Jean-François Freitas ajouta les ambiances sonores, et le reste de la programmation et du graphisme fut fini pour les fêtes de Noël. La première version est sortie sur Amiga 500 en novembre 1991. C'est celle qui bénéficie du meilleur son. Son principal défaut est d'avoir été peu testée, en résulte une jouabilité manquant de fluidité. "C'est l'inconvénient de travailler seul dans son garage... Et puis, Delphine Software n'avait pas de cellule de test" explique Éric Chahi. "Du coup, c'est plus que jamais une version de hardcore gamer". La version Atari ST est identique, mais dispose de couleurs moins fines et d'un son plus rugueux. La version sous DOS a été portée par Daniel Morais. La version originale avait été jugée trop courte, l'éditeur Delphine Software suggéra d'allonger le jeu. Après un travail acharnée d'environ 2 mois, un niveau important fut ajouté au milieu du jeu, juste avant la séquence de l'arène. Pour Éric Chahi ce niveau apporte beaucoup, car il met en valeur la complicité entre Lester et son compagnon de cavale.
Aux États-Unis, Another World est édité par Interplay sous le nom de Out of this World dans le but d'éviter la confusion avec un soap-opera également nommé Another World, mais ironie de l'histoire, au même moment sort une série télévisée de science-fiction portant le même nom (Out of this World). Les versions Super Nintendo et Mega Drive furent portées par Interplay. Le jeu est plus difficile que sur micro-ordinateur, l'éditeur américain tenant à ce que les joueurs en aient pour leur argent (puisqu'un jeu console coûte plus cher). Interplay a imposé des musiques dans tous les niveaux du jeu. Elle ne voulait pas non plus de la musique de Jean-François Freitas, mais Éric Chahi ne souhaitait absolument pas que la musique d'introduction soit retirée. La situation resta bloquée jusqu'à l'intervention de Anne-Marie Joassim, responsable juridique chez Delphine Software, qui réussit à faire céder Interplay. Le comité éthique de Nintendo of America quant à lui censura la présence de sang ainsi qu'une scène faisant apparaître trois raies de fesses de 3 pixels de haut. Éric Chahi n'eut d'autre choix que de rectifier les graphismes (ils sont cons chez Nintendo... mais ce n'est pas une nouveauté). La version Mac, portée par Bill Heineman, est identique à la version DOS si ce n'est qu'elle supporte une meilleure résolution. Il sera l'un des derniers jeux à être développé pour l'Apple II. Bill Heineman s'occupa aussi du portage Super Nintendo, les 2 systèmes partageant le même microprocesseur. Interplay développa une version 3DO : elle bénéficie d'arrière-plans bitmap très détaillés et les musiques sont entièrement refaites. Chahi estime que le contraste entre les images détaillés du fond et les animations en polygones de l'avant-plan n'en fait pas une réussite esthétique. Interplay proposa ensuite de réaliser une version sur le support Mega-CD. Le jeu, sorti en 1994, comprend en première partie Another World et une aventure parallèle : Heart of the Alien. Éric Chahi leur proposa alors, plutôt que de faire une suite chronologique, de permettre au joueur d'incarner cette fois-ci le compagnon extraterrestre de Lester pendant la même aventure. Basé sur cette idée, Interplay développa l'ensemble d'un nouveau jeu. Jean-François Freitas réalisa de nouvelles musiques en qualité CD. Éric Chahi dirigea les grandes lignes du jeu mais à distance. Il n'a pas vraiment aimé cet épisode qui impose une conclusion à l'histoire, alors que dans le jeu original, la fin avait été délibérément créé pour être ouverte. D'un aspect graphique très proche du jeu original, le synopsis est plus élaboré et l'histoire se déroule simultanément à Another World. On y trouve quelques éléments se passant avant Another World, ainsi que le destin présumé de Lester. Ce jeu n'a pas eu autant de succès que son prédécesseur et Chahi déclara par la suite "Heart of the Alien resta dans l'ombre, à mon grand soulagement".
Il y eut quelques jeux avec des similarités dans le gameplay et les graphismes, qui se sont inspirés d'Another World sans pour autant constituer une suite ou se dérouler dans le même univers. Flashback en 1992, développé par Delphine Software, possède aussi quelques autres éléments d'inspiration, la plus flagrante se voit dans l'apparence du protagoniste et son animation. En 1997 sort onEscapee sur Amiga, qui gagnera plusieurs prix. Éric Chahi développera également Heart of Darkness (1998), créé dans l'esprit d'Another World. Fumito Ueda a aussi déclaré s'être inspiré d'Another World pour la création de son jeu ICO.
Entre 1992 et 1998, Éric Chahi fonde la société Amazing Studio et se lance dans un long projet de jeu vidéo qui durera 6 ans : Heart of Darkness. Certains considèrent aujourd'hui que ce projet était trop imposant pour une toute jeune société. Il lui laissera un mauvais souvenir et il se retirera de la conception de jeu pour s'intéresser à d'autres activités, comme la photo. En mars 2004, Gregory Montoir lance le projet Raw5 (rewrite of Another World). Ce projet open source utilisant OpenGL et SDL vise à réécrire le moteur de jeu. Peu de temps après la première version, il est contacté par Éric Chahi lui demandant de bien vouloir stopper son développement, planifiant lui-même la réécriture du moteur. Le projet est resté en version 0.1.1 et fonctionne sous Windows. Le code source sera réutilisé en 2005 dans 2 nouveaux portages officieux. Le premier par Philippe Simons à destination de la console GP32 (qui remporta un prix au concours GBAX 2005), et un portage par Troy Davis pour la console DreamCast. Officieusement développé à partir de 2004 par Cyril Cogordan, une version Game Boy Advance a été réalisé par rétro-ingénierie de la version Atari ST. Éric Chahi interdit dans un premier temps sa distribution pour finalement l'autoriser en 2005 et même fournir des données sonores de meilleure qualité. Cyril Cogordan et l'entreprise Magic Productions porteront officiellement le moteur de jeu pour téléphone portable, Éric Chahi quant à lui apportera quelques retouches à des passages du jeu ainsi qu'aux graphismes. Éric Chahi, après avoir récupéré les droits de son jeu auprès de Delphine Software, travaille avec Emmanuel Rivoire de ManaGames sur une version actualisée d'Another World pour Windows XP incluant une résolution plus fine et des fonds réhaussés. Cette version, sortie le 14 avril 2006 et éditée par Magic Productions, est disponible en version complète pour 7€ sur le site officiel. Début 2007, une édition spéciale nommée Another World : Édition spéciale 15e anniversaire, est sortie dans le commerce. Cette version, identique à celle téléchargeable mais vendue en boite pour 10€, inclut en plus un CD avec l'OST de Jean-François Freitas remixée, ainsi qu'un making of.
Les graphismes sont entièrement réalisés en polygones en aplat de couleur, une scène affichant au plus 16 couleurs distinctes, donnant au jeu un cachet particulier. Cela a permis d'afficher des cut-scènes et de disposer de décors dynamiques alors que le jeu ne tient que sur une seule disquette (Amiga/ST) de 720Ko (3 pouces ½). Quelques années plus tard, l'utilisation des polygones 2D pour faire des jeux est devenue courante, notamment grâce aux outils Macromedia Flash. Le moteur de jeu, programmé en assembleur, interprète un langage binaire, structuré, simulant une soixantaine de processus légers interagissant les uns avec les autres, et communiquant à l'aide de variables globales. Un processus gère par exemple l'interaction du joueur avec le personnage pendant qu'un autre se charge de son affichage. Les niveaux et les cinématiques fonctionnent de la même manière. Ils ont été créés à l'aide d'un éditeur, programmé en GFA BASIC, spécialement développé pour le jeu. Ce logiciel permet la réalisation des graphismes, le développement des scripts, et le lancement du jeu. Le moteur seul ne gère aucun élément, les scripts, convertis ensuite en langage binaire, gèrent l'ensemble des interactions.
Les graphismes ont été réalisés par rotoscopie. L'Amiga 500 est équipé d'une entrée de synchronisation genlock, et muni d'un magnétoscope performant on peut faire des arrêts sur image. Il est alors possible d'utiliser cette technique pour créer les animations. A la fin des années 80, les Amiga sont d'ailleurs utilisés par certains biologistes au budget limité, pour faire de l'analyse cinématique de mouvements. Éric Chahi a filmé ses propres mouvements avec une caméra vidéo, puis de cette manière a réalisé les animations du protagoniste ainsi que les séquences inspirées du réel.
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Test réalisé par iiYama

mars 2009